Elle sortit de la maison en même temps que son Papa. Comme à son habitude quand maman n’était pas là, il était habillé n’importe comment et il avait les cheveux dans tous les sens. Il disait toujours : pas de style, c’est ça mon style ! Et elle l’aimait comme ça, bien sûr. Mais quand même… Parfois il aurait pu faire un effort vestimentaire parce que tout le monde le regardait un peu bizarrement. Il n’avait pas l’air de s’en apercevoir, mais elle, du haut de ses cinq ans s’en rendait parfaitement compte.

Du coin de la place, Mr Pfitzermann les salua, au milieu d’une dizaine d’enfants de son école.

“Coucou, la gazelle !”

Elle n’aimait pas trop - pas du tout,même - qu’on l’appelle la gazelle : elle savait bien qu’elle avait de très longues jambes pour son âge, mais elle n’y pouvait rien. Mais de la part de Mr Pfitzermann, c’était un peu différent. Après tout, c’était l’instituteur le plus élégant de l’école.

“On va à la plage. Tu peux venir si tu veux. Et si ton papa est d’accord, bien sûr.”

La plage, c’était une idée, certes ; mais aussi une façon un peu banale de passer la veille de Noël. Et puis elle avait une énigme à résoudre. Et enfin, elle aurait préféré que l’invitation vienne d’un de ses camarades : elle ne voulait pas s’imposer.

“- C’est gentil, mais j’ai une enquête à mener”, expliqua-t-elle, autant pour s’excuser auprès de Mr Pfitzermann que pour faire bisquer ses camarades.

Papa, qui n’était pas dupe, lui déposa un baiser sur la joue, avant de partir à grandes enjambées vers le centre.

Elle pensait bien avoir résolu l'énigme, mais elle préférait ne rien dire avant d’en être certaine : il valait mieux laisser planer l’incertitude que de se tromper. Elle prit sans hésiter la direction des vergers. En plus, elle aimait beaucoup cet endroit. Un des plus enchanteurs qu’elle connaisse. Bon d’accord, elle ne voyageait pas autant que ses parents, et elle était consciente qu’elle ne connaissait qu’une toute toute petite partie du monde.

Passer sous les pommiers la mettait toujours dans le même état d’esprit : elle se sentait vivante, heureuse et connectée à toutes choses. Elle ne pouvait s’empêcher de danser et de tourner sur elle-même. Sa timidité tombait même aux oubliettes : elle saluait de la main les ouvriers agricoles.

Enfin, très vite - trop vite ? - elle arriva à destination. Ici, elle devait faire un peu plus attention : les abeilles n’étaient pas hostiles mais elles n’aimaient pas les gestes brusques. La petite fille avisa la maîtresse des lieux : Amanda. Elle se dirigea vers elle, tout doucement.

“- Je t’attendais, petit Papillon. Tu as quelque chose à me dire ?
- Oui : les plantigrades, ce sont les ours. Et le régal des ours, c’est le miel !
- Parfaitement exact, même s’il n’y a pas d’ours par chez nous. A part peut-être ton papa, ajouta-t-elle après un instant. Viens avec moi.”

Elle fit déguster une cuillère de miel à la petite fille et lui tendit une languette de papier.

On peut y mettre ses papiers,
Son argent ou bien ses clés.
C’est aussi une façon de se coiffer,
Ou bien encore un fruit à déguster.