Heureusement que cette fois elle n'avait engagé aucun paris avec sa grand-mère (sinon, elle l'aurait perdu). Cette énigme était vraiment trop dure. Et la petite fille commençait à être fatiguée. Et sa grand-mère ne voulait pas lui donner le moindre indice. Alors, elle faisait semblant de réfléchir tout en admirant la menorah dont son grand-père disait qu'elle avait plusieurs siècles. Elle avait conscience (douloureusement même) que la vie humaine était limitée. Très longue, normalement, mais limitée. Mais certaines créations humaines par contre... Ou certains savoirs, comme l'exploitation des abeilles pour leur miel. Elle irait regarder sur internet pour savoir depuis quand les humains s'étaient lancés dans l'apiculture. Sans doute des milliers d'années. L'arrivée de son grand-père la ramena à la réalité.

“Saba ! cria-t-elle.
- Sarite... et il posa le genoux à terre, en s'inclinant comme s'il faisait une révérence”

Avec la facilité née d’une longue habitude, la jeune fille se propulsa d'un seul mouvement sur les épaules de son grand-père.

“La cavalerie est en route, faites place ! clama le grand-père en se relevant.
- Axel, doucement... La petite va tomber.
- Mais non, Savta, je m'accroche !
- Pas un pour rattraper l'autre. Je vous aurais prévenus, vous allez vous faire mal si vous continuez vos... cabrioles.”

L'enfant avait remarqué la petite latence dans la phrase de sa grand-mère. Très inhabituel. Tout en s'accrochant, elle se concentra sur ses paroles.

“- Saba, pose-moi, je crois que j'ai un piste. Savta ne veut pas qu'on prenne des risques trop importants avec nos cascades.
- Bravo, ma petite chérie. Tu as eu de la chance sur celle-ci.”

Ou pas, pensa la petite fille. Son Papa avait simplement bien planifié le flux des énigmes. Il savait qu'elle adorait se lancer à l’escalade de son grand-père. Elle profita de l'accalmie pour se focaliser sur Saba. Il avait l'air exténué, et même son sourire semblait un peu las.

“- Ca va, Saba ?
- Ca va, Sarite, ça va. Les choses sont comme elles sont. Dans ma famille, on avait un dicton qui dit quelque chose comme : à la fin, on a jamais que des bons souvenirs ; parce que si on s'en souvient, c'est qu'on y a survécu.
- Bah, dis-donc, c'est pas des rigolos dans ta famille.
- Ah non, confirma le grand-père avec un peu plus de légèreté. Je ne dirais pas le contraire. Au fait, j'ai vu ton Papa et ta Maman et j'ai un message pour toi : il va être l'heure que tu rentres, ma belle.
- Déjà ? Mais tu viens juste d'arriver...
- Hanouka commence demain, tu pourras revenir.”

Savta avait posé sa main sur l’épaule de grand-père. C’était assez rare pour que la fillette le remarque, Savta étant plutôt avare de gestes tendres. Elle se demanda si elle devait s’inquiéter pour Saba aussi. Elle savait bien qu’ils étaient vieux tous les deux. Mais elle avait un peu de mal à s’en faire une idée plus précise. De son point de vue, au-delà de vingt ans, tout le monde était relativement vieux. Avec toute la tendresse dont elle était capable, elle vint l’enlacer.

“Ca va aller, ma belle. Je te le promets. Et tiens, pour que tu penses à autre chose, j’ai une énigme pour toi.”

Affichant de hauts bois, il ne craint pas le froid.
Lorsqu’on le prend, c’est pour aller plus loin.