Papidou avait eu le temps de finir son dessert et de prendre un café et elle n’avait toujours pas avancé sur la résolution de son énigme. Il faut dire que celle-ci était particulièrement corsée.

Parce que, à bien y réfléchir, le problème en lui même n’était pas si complexe. Non, la vraie difficulté, c’était la contrainte supplémentaire : exactement deux tentatives (et Papidou avait été très clair sur ce point). Trouver la boule la plus lourde, c’était simple : il suffisait de prendre autant de paire de boules que nécessaires et si les plateaux ne s’équilibraient pas, alors on tenait notre coupable. Avec neuf boules, elle avait supposé que cela prendrait jusqu’à cinq tentatives (la moitié de neuf qu’elle avait arrondi au supérieur). Mais en fait, elle s’était ravisé : si après quatre pesées, les plateaux étaient toujours indécis, c’est que la fautive c’était la dernière. Elle avait trouvé cela intéressant parce que cela montrait qu’on pouvait apprendre une information par son absence. Un peu complexe mais intéressant. Bon, ça ne l’aidait pas. Son approche impliquait de une à quatre pesées, contre exactement deux dans l’énigme.

Papidou lui apporta neuf boules qu’il avait retiré du sapin : “- Ca t’aidera sans doute d’avoir quelque chose à manipuler ! Je jouerais le rôle de la balance…”

Elle se souvenait d’une méthode que sa maman lui avait expliqué (mais le nom lui échappait) pour faire deviner un nombre entre un et cent. On divisait l’intervalle de recherche en deux, jusqu’à trouver le bon résultat. Cela devait pouvoir s’appliquer à ce cas de figure. Mais avec un nombre impair, c’était manifestement embêtant.

Elle prit quatre boules qu’elle plaça à sa droite et quatre à sa gauche. Son Papy indiqua la droite. Seconde pesée, elle enleva les boules de gauche et sépara celle de droite en deux. Une fois encore, son Papy indiqua la droite. Comme il ne restait que deux boules, elle ne s'embêta pas à simuler la troisième pesée. Trois pesées. Et encore, à la réflexion, la boule lourde aurait pu être la neuvième, celle qu’elle avait rejetée : si les plateaux étaient restés au même niveau, elle l’aurait su à la première pesée. Donc, une ou trois pesées. Ce n’était pas ça, mais elle s’approchait de la solution.

A l’évidence, il était inutile de mettre un nombre différent de boules de chaque côté. Par exemple, cinq boules d’un côté et quatre de l’autre. La balance pencherait vers les cinq boules, sans apporter d’information utile.

Elle prit six boules et en mis la moitié de chaque côté. Son Papy montra la gauche. La bonne se trouvait dans ces trois là. Mais comment… Et d’un coup toute la pelote sembla se démêler.

“- J’ai trouvé ! Oui, je sais, c’est bon. Deux tentatives. Dans tous les cas ! C’est trop cool comme énigme.
- Explique quand même, demanda Papidou.
- Voyons. J’en laisse trois, je mets trois d’un côté, trois de l’autre. Et avec une pesée je sais dans quel groupe de trois elle se trouve. Si ça penche, facile, et si ça penche pas, c’est dans les trois que j’ai laissé. Après on fait pareil. On en laisse une, on pèse les deux autres. Si ça penche, facile. Et sinon c’est l’autre. Dans tous les cas, ça fait deux pesées !”

Le grand-père déposa un baiser sur le front de sa fille et lui tendit une bandelette de papier.

Partie intégrante d’un pont ;
Qui le rend en a marre ;
Mais contre les taches, une protection.