Elle était très, mais alors vraiment très fatiguée. En plus, bien installée, littéralement blottie dans les bras de son Papa, elle sentait à la meilleure place au monde. Et malgré cela :
“Moi, j’aurais préféré Maman.
- Oui ? Je sais mon petit coeur. Mais c’est Papa.
- C’est toujours toi, c’est pas drôle…
- Possible, oui, mais c’est comme ça. Tu as trouvé ton énigme ?
- Oui, répondit-il en se calant encore mieux, c’est Mr PikWik.
- Tout à fait. C’est lui qui m’a glissé cette idée, je trouvais l’énigme trop facile mais il a insisté.
- P’pa… C’est un doudou… Il ne parle pas…
- Très juste, il a fait tout ça en langage des signes. Et je te prie de croire qu’avec ses grosses mains, ce n’est pas facile !
- N’importe quoi, pouffa-t-elle : il parle pas la langue des signes…”
Ils entrèrent dans la chambre, où effectivement Mr PikWik semblait les attendre.
“On allume la lumière.
- Un s’il-te-plaît ne serait pas de trop !
- La lumière, s’il-te-plaît, P’pa.
- Voilà, que la lumière soit ! Sa fille devenait carrément bougon, rien d’étonnant au vu de l’heure. Tu as passé une bonne journée ?
- Oui, c’était coool ! Mais comment tu as fait ? Pour le parc, pour les repas, tout ça… Ça tombait trop pile.
- Eh bien, la voilà ta plus grande énigme à résoudre : savoir comment j’ai tout organisé !”
Il la déposa sur le lit, retira ses chaussettes, et la petite fille se glissa sous sa couette.
“- Papidou et Mamita t’ont téléphoné quand je sortais de chez eux !
- C’est vrai, oui. Et pour le reste ? Comment tu aurais fait, toi ?”
L’enfant dut faire un terrible effort intellectuel. Il était tard, mais elle se força à trouver les réponses.
“- Il y avait plusieurs itinéraires !
- Précise ta pensée.
- C’est comme l’énigme du Kiwi, ou l’inverse justement. J’ai eu l’impression qu’il n’y avait qu’un chemin. Mais en fait il y avait des raccourcis. Selon l’heure, on ne me proposait pas la même énigme, pas la même destination.
- Tu es sans doute la petite fille la plus intelligente de toute la terre ! Parce que oui, tu as raison. Mais laisse-moi te dire que tu n’as pas eu besoin des raccourcis. Tu t’es amusée ?
- Oh oui, beaucoup ! Et puis, c’était sympa de rencontrer d’autres gens. Et Ethan.
- Il a l’air sympa, ce garçon. Et malin.
- Oui, il est… cool. Mais il est un peu plus grand que moi aussi.
- Chaton. Tu es et tu sera toujours un peu plus maline que les enfants de ton âge. Il n’y a rien d’anormal pour toi d’avoir des amis plus âgés. Vous allez vous revoir ?
- Oui, je crois. Mais…
- Mais quoi ?
- Mais même si je l’aime bien, il est pas comme moi.
- Non, personne n’est comme toi. Personne n’est comme Maman. On est tous unique.
- Oui, mais non. Je veux dire… Tu vois ce que je veux dire ?
- Oui, mon petit coeur. Je vois. Tu veux que je téléphone aux amis dont je t’ai parlé ? Eux, ils sont comme toi.
- Oui, Papa, je voudrais bien. Et Maman ? Elle dort toujours ? Est-ce qu’elle va se réveiller bientôt ? Parce qu’elle me manque.
- Elle me manque aussi, mon chaton. Et oui, elle va se réveiller. Très bientôt. J’espère. Après tout, Hanoukka commence demain ! Allez dors maintenant, Rachel, lui dit-il en l’embrassant.
La petite fille serra son doudou contre elle et il en profita pour glisser une dernière énigme dans le creux de son oreille.
Je n'existe pas et pourtant on me nomme,
De l'heure dépends mon influence,
J'aime à imiter vos pas au gré du soleil.
Sur la pointe des pieds, il quitta la chambre, et s’assit sur le sol devant la porte. Il réprima une larme : la journée avait été éprouvante pour lui aussi. Il réfléchit à une autre énigme. Voyons : quelque chose qu’eux seuls pourraient comprendre. Sur ce numéro qu’il connaissait si bien, il envoya : “195!”. 16+17+42+43+77… Le petit futé comprendrait.