Pas à dire, c'est un très bel hôtel. Luxueux c'est certain, mais pas que... Disons que ce n'est pas que de l'apparat. Il y une atmosphère agréable, un sens du confort. Le temps semble s'écouler avec douceur sous l'œil bienveillant du personnel. Enfin ça, c'est la partie visible de l'iceberg. Je sais qu'en réalité, sous la surface, il y a des monstres qui se cachent ici. Et en ce qui concerne les membres du personnel, je suis bien consciente que s'ils sont complices, c'est par association. Néanmoins, s'ils avaient vent de mes projets, leur bienveillance disparaîtrait aussitôt, et ils appelleraient la sécurité. Je veux éviter que les choses en arrivent là.
J'ai fait quelques repérages, et j'ai un plan à peu près ficelé. Malgré cela, il y aura nécessairement de l'improvisation. C'est justement là que je bloque. J'avais prévu de me faufiler à l'intérieur en même temps qu'un groupe de clients. Pendant mes reconnaissances, il y en a toujours eu, ça n'a jamais manqué. Qu'est-ce qui a changé ? Je tapote quelques minutes sur mon portable. Voilà : le "grand forum des investisseurs" a fermé ses portes il y a deux jours. Ce qui explique sans doute le manque d'affluence. Toujours est-il que ça ne m'arrange pas. Je vérifie l'heure. Je suis encore dans les temps... Simplement ça fait dix minutes que je fais le pied de grue et mes fringues sont un peu voyantes. Dommage que je ne fume pas, ça m'aurait posé dans le décor. Bon il va falloir que je me lance.
Je manque de m'emplafonner un grand type costard cravate. Je m'excuse platement, mais comme il se la joue grand seigneur à vouloir me tenir la porte, je profite de la situation. Je me colle à sa gauche, pile dans l'angle mort de la réception et je joue les curieuses : "Et vous pourquoi vous êtes ici ? Ah oui, voyez-vous ça ? Et vous descendez souvent ici ?" Je le sens déstabilisé mais il me répond et notre conversation fait le job. Le personnel de l'accueil croit qu'on est ensemble et ils nous laissent passer en nous regardant à peine. Je prie juste pour que mon acolyte n'aille pas au même étage que moi.
Quand nous entrons dans l'ascenseur, je prends les devants. Je lui demande son étage et pour éviter tout risque, je descends après le sien. Ça m'oblige à redescendre trois étages par l'escalier. C'est sans doute idiot, mais tant pis : je ne veux pas qu'on en sache trop sur les raisons de ma présence ici. Parce que, même si tout se passe bien pour l'instant, je suis déjà bien assez nerveuse comme ça. Une chance pour moi, les couloirs sont pour ainsi dire déserts, je ne vais pas m'en plaindre. Jusqu'à la moquette qui atténue le bruit de mes pas.
Voilà, j'y suis. Chambre 317. Maintenant, ne pas flancher. Je m'apprête à frapper, mais je m'en abstiens à la dernière seconde. Suis-je bien sûre de vouloir le faire ? Et même si c'est le cas, suis-je bien prête ? Je vérifie la glissière de mon tout petit sac à main, et surtout la présence de mon étui à lunettes. Je sais, ce doit bien être la vingtième fois que je contrôle... Je passe l'ensemble dans ma main droite et je frappe de la main gauche.
Zut : pas de réactions. Et moi qui pensais qu'à partir de là, mon plan se déroulerait sans accrocs. Peut-être qu'il n'est pas là... Pourtant j'étais certaine d'avoir aperçu de la lumière à sa fenêtre. J'essaye de voir si je vois quoi que ce soit filtrer par le dessous de la porte. Mais cette moquette (que je trouvais bien utile il y a quelques minutes) est maintenant passée dans la catégorie hostile. Je colle mon oreille contre le bois de la porte. C'est sans doute en pure perte. Et si jamais quelqu'un me voie, je vais avoir bien du mal à m'expliquer. J'ai néanmoins l'impression d'entendre le tac-tac distinct d'un clavier d'ordinateur. Qui sait si cela vient bien de sa chambre ? De toute façon, maintenant que je suis là, autant insister. C'est juste que je ne voudrais pas rameuter tout l'immeuble.
Heureusement pour moi, ça semble bouger à l'intérieur. Je prends une pose, quelque chose d'ingénu, presque timide. Je pense que ça va lui plaire et ça me permet principalement de dissimuler mes mains derrière mon dos. J'envisage de déboutonner un peu plus mon cardigan, mais c'est un peu tard pour ça. Alors je reste comme ça un temps qui me semble ridiculement long. Enfin il ouvre. Je suis à la fois rassurée et terrifiée. A partir de là, tout peut partir en vrille. A partir de là, tout peut marcher comme sur des roulettes !
"Ben ça alors ? Si je m'attendais... Elizabeth ! Mais qu'est-ce que tu fais là ?"
Il me regarde, attentivement même, mais il ne peut s'empêcher de jeter des coups d'œil dans le couloir. Ce n'est qu'une fois rassuré qu'il s'attarde à me détailler. Ma mini-jupe bien sûr, et les boutons ouverts de mon cardigan qui laissent apparaître mon nombril. Je ne vais pas dire que ça me plaît à moi, l'important que c'est ça lui plaise à lui ! Je bats des cils comme une biche effarouchée avant de lui répondre.
"- C'est Nick qui m'a dit que tu serais là cette semaine... Alors j'ai tenté ma chance." J'ai l'impression que ça sonne trop factuel, alors j'essaye de prendre un ton plus cruche. "J'veux dire on a eu un bon feeling la dernière fois, hein ?
- Si, si... Ouais bien sûr ! Il a l'air dubitatif. Mais, disons... Tu te souviens de tout ?
- Bah... J'ai eu un peu le trou de noir sur la fin : j'avais forcé sur les Mojitos, je crois. D'ailleurs c'est trop gentil de m'avoir fait raccompagner.
- Tu rigoles, c'est normal. Positivement."
Je ne sais pas si le 'positivement' fait référence à la situation, ou à mes formes sur lesquelles il lorgne. N'empêche qu'il ne me fait toujours pas rentrer. L'instinct de survie ? Ou simplement une prudence raisonnée ? C'est vrai que cette fois, on n'est pas dans son plan... J'espère juste qu'il ne subodore pas qu'on est dans le mien !
"- Si tu as du Mojito, ou même autre chose, on pourrait papoter ou je sais pas." Je me sens obligée de rajouter, pour l'appâter : "On est pas obligés de le dire à Nick.
- Ouais, ouais, bien sûr. Reste pas dans le couloir, ramène tes fesses ici !"
J'adorerais l'expression si elle ne me dégoûtait pas. Je fais quand même semblant de trouver ça hilarant. Je me glisse par l'ouverture, tout en prenant bien garde de lui cacher mon sac à main. Je n'ai que peu de souvenirs de l'endroit lui-même. Heureusement, le site de l'hôtel a comblé mes lacunes. Le couloir qui mène à la chambre est la partie la moins éclairée. C'est le meilleur endroit pour faire ce que j'ai à faire. Je me laisse tomber à ses genoux. Et maladroitement, de la main gauche, j'essaye de défaire la boucle de sa ceinture. Le brave garçon a l'air aux anges.
"Bah dis-donc, tu perds pas de temps toi !"
Plutôt que lui répondre, j'embrasse son entre-jambe. Son jean me protège un peu du renflement que je sens déjà pointer. J'aurai plutôt envie de vomir, mais je dois avoir l'air assez convaincante néanmoins. L'essentiel c'est qu'il soit concentré sur mon visage, pas sur mes mains. J'ai réussi à sortir l'étui à lunettes de mon sac, et quand j'en aurais besoin tout sera prêt. Maintenant que c'est fait, j'utilise mes deux mains et je fais preuve d'un peu plus de professionnalisme pour descendre son pantalon. Je m'assure qu'il arrive bien jusqu'à ses chevilles. On y est.
J'extrais la seringue de l'étui à lunettes, et sans perdre de temps, je pique au niveau des fesses. Du pouce j'appuie sur le piston. En général, on dit que je suis douée avec les piqûres, douce même. Disons que là, c'est un cas particulier. Il lâche un "Aïe" outragé en regardant ce qui se passe. J'en profite pour m'éloigner aussi vite que possible.
"Mais merde, c'est quoi ce bordel ?"
Je fais le choix de ne pas répondre. Je préfère le laisser dans le doute. Ça ne va pas changer grand chose, mais ça pourrait me faire gagner quelques secondes. En fait, je compte là-dessus. J'entends le bruit sec du verre, cet idiot a cassé la seringue. C'est drôle, j'ai un réflexe professionnel qui me prend : j'espère que ce crétin ne va pas se blesser avec les éclats de verre. Comme quoi, on ne se refait pas. Moi, je me cache derrière le grand lit. Ce serait une cachette bien pathétique si je comptais vraiment dessus. Il est en train de se débattre avec son pantalon. Il faut dire que j'ai fait de mon mieux pour le tire-bouchonner au maximum.
"Qu'est que t'as foutu, salope ?"
La colère monte. Je n'en attendais pas moins de sa part. La diction par contre est toujours maîtrisée. Il vient vers la chambre. Je fais de mon mieux pour réguler les battements de mon cœur. Je me positionne comme je l'avais prévu. S'il me trouve, il va se prendre un méchant coup de pied. Je me rends compte que j'ai oublié l'étui dans le couloir. Zut ! Et s'il l'avait remarqué ? A ce stade, je ne peux plus rien y faire.
"Tu vas voir ce que je vais te mettre, 'spèce de..." Il a un temps de latence. "Putain ! C'était quoi c'te came ?"
Encore une fois, je me garde bien de répondre. Je prends peut-être mes désirs pour des réalités, pourtant je suis presque certaine qu'il perd en cohérence. D'ailleurs, il ralentit incontestablement. J'aimerais bien voir ça, mais autant attendre à l'abri. Il s'appuie lourdement contre quelque chose, sans doute le bureau, et cela semble requérir toutes ses forces. Le produit fait effet. Je n'en doutais pas, c'est juste que je ne suis pas anesthésiste. J'avais quelques interrogations sur le dosage. Il souffle comme un bœuf, et je l'entends s'asseoir sur la chaise. Tenter en fait, car il se vautre lamentablement. Je me force à compter encore trente secondes dans ma tête avant de sortir de ma cachette.
Je fais quand même attention, disons qu'on est jamais trop prudent. Pourtant il est dans une position qui ne me laisse aucun doute. Soit il n'a plus le moindre amour propre, soit plus le moindre tonus musculaire. J'entends vaguement qu'il grogne quelque chose. C'est totalement étouffé par la moquette. Avant toute chose, je vérifie ses constantes. Le pouls est moins bas que je ne le pensais. C'est sans doute normal. Bon, je ne veux pas que ce nigaud s'étouffe totalement, alors je fais mon possible pour le faire basculer sur le dos. C'est incroyable ce qu'il est lourd.
"- Tu sais quoi, Brian ? J'ai menti. Déjà, c'est pas Nicolas qui m'a dit que tu étais ici. Je me suis fait passer pour une secrétaire de ton agence et j'ai validé auprès de l'hôtel tes dates de séjour. Ça c'était plutôt facile. Là où j'ai eu plus de mal, c'était pour récupérer ce petit bijou qui coule maintenant dans tes veines. Pour tout dire, on l'utilise assez peu souvent, juste pour les opérations où le patient doit être conscient et pouvoir répondre au question du chir'. Je ne connais pas la composition exacte, mais c'est à base de benzodiazépines. T'es pas allergique au moins ? Ca, ça serait vraiment dommage..."
Son regard est braqué sur moi et sa mâchoire frémit. Il cherche à parler. Ça va lui prendre un peu de temps avant de retrouver le contrôle fin des organes de la parole. Je le laisse y travailler pendant que je vais récupérer l'étui à lunettes. Par bonheur le contenu est intact. Tant mieux, sinon j'aurais dû improviser.
"Tu es toujours là ? Oh mais suis-je bête ; tu ne peux pas bouger. Tu sais, tous les patients à qui on a administré ce produit ont fait état d'une forte anxiété. Bon toi, tu as des raisons supplémentaires d'être anxieux. Dites Docteur, vous pensez que mon opération va bien se passer ? C'est pas sûr du tout mon pauvre monsieur, le chirurgien ne vous a pas à la bonne."
Bien sûr, il n'a pas bougé d'un pouce quand je reviens dans la chambre. Par contre j'entends quelques chuintantes qui sortent de sa bouche. Encore un effort, et j'arriverais à comprendre des mots. Je le tire vers le lit dans le but de l'y installer. Il est juste trop lourd, je vais pas y arriver. Ce n'est pas si grave. Il est très bien où il est, après tout. J'installe un oreiller sous sa tête, pas tant pour son confort que pour orienter son regard dans la bonne direction. J'ouvre ensuite l'étui à lunettes et je le dispose, bien ouvert, à un endroit où il peut le voir.
"Bon, on va pouvoir commencer. Je me doute que ta vision est un peu brouillée. Alors concentre toi. Tu vois ici ? Ce sont des seringues. Trois pour être précise. Je vais être tout à fait transparente avec toi : je les avais bien rangées, et... bon je crois qu'elles se sont mélangées pendant le transport. Tu vas voir que ce n'est pas qu'un détail. Il s'agit de virus de différentes catégories. Tu le sais peut-être, l'hôpital où je travaille est habilité P3. Oh, je te rassure, on n'y fait pas d'expérience en virologie, non. Mais on stocke un certain nombre de souches de pathogènes. C'est plutôt bien sécurisé tu peux me croire, et tu imagines même pas ce qu'il a fallu que je fasse pour en ressortir ses trois méchants bébés. Le truc c'est que j'étais très motivée."
Il semble comprendre les enjeux de la situation. Son regard est braqué sur les seringues, et je suis persuadé que s'il pouvait trembler, il le ferait.
"- Dé-o-é ui dé-o-é ui dé-o-é.
- Tu es... désolé ? Oui, je te crois. On est toujours désolé quand on se fait prendre. Ça doit pas nous empêcher d'assumer les conséquences de nos actes, tu es bien d'accord ? Attends je vais te présenter. Mon numéro un, c'est un variant de la mononucléose. Pas vraiment dangereuse, elle peut néanmoins te changer en zombie pour les 18 mois à venir. Mon second est plus drôle : une blennorragie aiguë sévère multirésistante. Avec ça, ton petit oiseau va se transformer en source de torture. Je me suis dit que ça te ferait passer l'envie de la gaudriole. Et le dernier ! C'était dans le casier du haut, les trucs vraiment pas sympa. Ici, c'est une souche de syphilis virulente. Ça te grêle la peau et ça te tue en vingt semaines. Aucun traitement. On a de la chance que ce soit éradiqué, tu peux me croire. Tu disais ?
- 'ais pas 'a...
- Quoi ? Oh, je t'ai fait peur, tu as cru que c'était pour toi ? Que j'allais te les injecter ?"
Il ne répond rien, mais je sens la flamme de l'espoir se rallumer dans ses yeux. Ah, l'ascenseur émotionnel !
"Disons que je vais te poser quelques questions. Si tu me mens, si tu articules mal, ou si tes réponses ne me plaisent pas, alors là, oui : je t'en injecterais."
Maintenant que je lui ai retiré le peu d'espoir qu'il lui restait, il est prêt à me répondre. Je retire une des seringues du lot et je la pose prêt de son bras.
"- Qu'est-ce que tu as mis dans mon Mojito, c'était quoi exactement ?
- 'aut me croire, 'en sais rien.
- Comme je n'étais pas certaine que tu saisisse bien les règles de notre petit jeu, j'avais prévu de faire un tour à blanc. Du coup, je vais passer sur l'articulation. Mais par contre, j'aime pas du tout du tout ta réponse. Tu vois, il faut développer un peu. Même si tu penses que ça va me contrarier, il faut me donner un max de détails. Donc bref !"
Je pique directement dans son muscle. Cette fois, je prends mon temps. Il est sans doute trop abasourdi pour dire quoique ce soit, et ça m'arrange. Dans la foulée, je sors une autre seringue.
"Voilà, ça c'est fait. Tu as bien compris les règles maintenant ?
- 'ui, 'ui, 'ui. Je 'uis 'ésolé. 'aut me croire. 'ai acheté sur le dac'eb.
- Le quoi ?
- 'e da'k. Web.
- Sur le dark-web ? Tu as l'adresse ?
- 'ui sur 'ordi."
Je prends quelques minutes pour fouiller son ordinateur. Il se montre très conciliant et me guide au mieux de ses possibilités. Il semble avoir dit la vérité. J'enregistre tout ça sur mon téléphone et je reviens vers ma proie. Si sa diction semble s'améliorer, il est toujours incapable de bouger.
"- Il y a eu combien de filles avant moi ?
- Non, non, t'es la première.
- Tss, tss, Brian, ça sonne pas super crédible tout ça.
- Je jure c'est vrai. Je... j'y pensais avant mais j'avais jamais fait. Je jure. La première.
- J'ai envie de te faire confiance Brian et franchement c'est pas facile. Disons que je te croie : je suis la seule. Pas la première, hein ? La seule. On est d'accord ?
- 'ui, glapit-il. La seule. Suis désolé."
J'ai les mains qui tremblent. Je pense pas qu'il le remarque. Il est trop concentré sur mon visage. J'ignorais que ça serait aussi éprouvant pour moi que pour lui. Enfin non d'ailleurs, lui, à part les sueurs froides, il se la coule douce. Je pensais que je ferais monter la sauce plus longtemps, mais je commence à être à bout et lui il est carrément dans son jus.
"- Est-ce que Nicolas est au courant ?"
Je déteste ce qui suit : il ne répond rien. La terreur dans son regard en dit bien assez long. Je me saisis de la seconde seringue, et je procède à l'injection. Je prends la dernière seringue, et je la pose délicatement à côté de son bras.
"- Brian... J'admire cette loyauté, vraiment ! Mais on avait une règle. Je dois dire que je suis un peu déçue. Nicolas est-il au courant ?"
Je ne sais pas s'il cherche à jouer les durs, en tout cas il se tait toujours. Je prends la dernière seringue en douceur, je vérifie qu'elle est prête à servir. Et je me penche sur lui.
"- Oui ! Il savait !
- Tu te souviens ce qu'on a dit sur les détails ?
- Nick savait. C'est lui qui m'a dit...
- Il t'a dit quoi ?
- C'était son idée."
Là, il me prend de court. Nicolas ? J'approche encore la seringue de son bras. Bien sûr il ignore qu'elle ne contient que de la solution saline, mais à ce stade j'ai envie de l'oublier moi aussi.
"C'est vrai, couine-t-il. Tu es... tu es son projet.
- Explique-toi !
- Il a une copine. C'est vrai : ils sont fiancés. Elle bosse le week-end. C'est pour ça qu'il t'invite jamais à venir sur Paris."
Et il commence à tout balancer. Ça semble tellement gros. Tellement gros que je le croie. Je me souviens d'être allée une fois à son appart. Grand, lumineux, avec une touche... féminine. Bon sang, toutes les fois où il descendait, c'était pour que personne ne puisse nous voir ensemble. Il n'y avait aucune chance que je la rencontre jamais sa mère. Il s'est bien foutu de moi, c'est sûr. Je n'ai aucune envie de croire tout ce que j'entends. Pourtant je sais reconnaître les accents de la vérité. Brian est bien trop terrifié pour mentir, et tout ce qu'il dit fait écho à ce que j'ai vécu.
"- Et alors, c'était son idée ?
- Il m'a montré tes photos... Il a dit tu veux l'essayer ?"
Cette fois, c'est dans l'œil que j'ai envie de lui enfoncer l'aiguille. De toute façon, il a son compte pour ce soir et franchement moi aussi. Je sens qu'il tremble. La sédation commence à faire moins effet. J'ai encore un peu de temps devant moi. Avec les lingettes que j'ai pris le soin d'amener, je fais un rapide ménage de toutes les surfaces que j'ai touchées. J'en profite pour lui expliquer que, entre ce que j'ai trouvé dans son ordi et ce qui coule dans ses veines, il a plutôt intérêt à se tenir à carreau. Quand j'en ai fini, il est encore paralysé. Avant de partir, je lui fais des adieux à ma façon.
"- Tu vois : tu étais triste que je ne garde aucun souvenir de toi. Moi, c'est l'inverse, je sais que tu vas jamais m'oublier !"
Tremblante, je sors. Comme un fantôme, je quitte l'hôtel. L'air frais me surprend et me fait un bien fou. Je suis déjà en train d'établir un autre plan : je dois avoir un petit entretien avec Nicolas.