L’ambiance feutrée — “cosy” auraient dit certains — de la Théière lui semblait plus que jamais artificielle. Et en tout cas, sur-réaliste. Parce qu’elle en sortait de la réalité, justement, la terrible et inoxydable réalité. Et elle y avait tué un homme. Un type horrible, c’est vrai, mais un type quand même. Elle ne l’avait pas tué par écran interposé, en appuyant sur un bouton, non, ni même à distance respectable, comme font les tireurs d’élite. Elle lui avait enfoncé un couteau dans le crâne. Aussi brutal qu’efficace… Légitime défense, disaient les membres de l’Unité. La belle affaire. Mais quand on a pris l’habitude de se déplacer à vingt mille pieds dans une salle de conférence volante, normal qu’on prenne les choses de haut.

“- Tu es encore sous le choc !”

Depuis qu’elle était montée à bord, Chuck la couvait comme un oisillon du jour. Il lui avait même apporté un café. Choquée ou pas, l’esprit de Lonie fonctionnait toujours aussi bien — peut-être même mieux. Elle avait noté que c’était la première fois qu’elle le voyait debout, dans le monde réel en tout cas, ainsi que la première fois qu’elle le voyait marcher. Et elle comprenait pourquoi. Sa démarche était… différente. Pas de beaucoup, mais tout juste assez pour tomber dans l’uncanny valley. Le mouvement était correct, mais il y avait comme une latence au démarrage ou à chaque fois qu’il changeait de direction. Vaguement dérangeant. Enfin, elle avait aussi noté aussi qu’il lui prêtait sa propre tasse (“La preuve par 3 à la puissance 3 sur racine de 9” pouvait-on y lire).

“- C’était dangereux, plaida-t-il.
- Pas plus que Kourchatov.
- Mais là-bas tu avais une protection.
- Et on a vu le résultat ! Le compte est vite fait : bras cassé contre contusion + section des tendons. Lonie avait du mal à retenir sa colère. Honnêtement, on a mieux fait que vous !
- Ce n’est pas un concours, mais parlons-en du ‘on’. Tu es partie sur une piste sans consulter personne, et qui plus est, en compagnie d’un suspect potentiel.
- La tête du suspect : il m’a sauvé la vie. Eh oui, j’y suis allée sans vous consulter. Mais vous n’êtes pas blanc-blanc non plus : j’ai vérifié les statuts de l’ONU. En dehors d’un mandat particulier, vous n’avez pas le droit de détenir des individus. Alors franchement, les leçons de morale, merci bien !”

Face à la véhémence de Lonie, Chuck battit en retraite. Mais la jeune femme n’en avait pas fini.

“- Et elle où, Amanda ? Et pourquoi vous avoir envoyé tous les deux, James et toi ? Et qu’est-ce que vous avez fait de Dmitry ? Et…
- Stop ! Amanda est restée à New-York. Tu as soulevé une petite tempête, il faut que quelqu’un la gère. Ensuite, à l’heure qu’il est, le reste de l’équipe est sur le site de l’Arbre. Il y a peut-être des choses à en tirer, si vous n’avez pas tout contaminé. Enfin, Stepanov a été débriefé sur place avant d’être emmené dans un hôpital.
- Dis plutôt qu’Amanda ne voulait pas se retrouver en ma compagnie. Mais elle sait que je vous aime bien James et toi, et elle comptait là-dessus pour que vous m’extorquiez des infos.
- Tu t’attendais à quoi ? Elle est furax ! Et pour tout te dire, moi aussi, je suis fatigué de te couvrir encore une fois.
- Attends, je t’ai rien demandé ! Et tu m’as couvert pour quoi d’autre ?
- Amanda pense que tu es la taupe dans nos services…”

Lonie accusa le coup. Sifakis détenait beaucoup d’informations sur l’Unité. D’où l’idée d’une taupe. Logique. A la réflexion, elle pouvait même comprendre qu’on pense à elle. La dernière arrivée. Un peu rebelle. Et même beaucoup depuis l’Arbre. Mais Sifakis n’était pas idiot, il n’aurait pas mis sa taupe sous le feu des projecteurs. Etaient-ils tous aveugles ?

“- D’accord, je plaide coupable : c’est bien moi la taupe ! clama-t-elle.
- Mais non. Je sais bien que non… Si c’était le cas, ça ferait de toi la taupe la plus incompétente au monde. Et on peut dire bien des choses sur toi, mais pas que tu es incompétente !
- Mouais…
- En fait, je ne crois pas à la théorie de la taupe. Sifakis a fait des références très précises, mais sans jamais citer le moindre nom. Bizarre. Comme s’il nous avait observé de loin. Je penche pour une caméra espion sur le site de Kourchatov.
- Je… Oui, c’est une bonne idée ! Mais je me souviens qu’il a évoqué ‘le jeune handicapé’ : à savoir toi. Et tu n’étais pas à Kourchatov. D’ailleurs, j’ai longtemps pensé que tu étais vraiment emprisonné dans cet avion.
- Je ne sors pas très souvent, c’est un fait. Bon, je n’ai pas encore toutes les explications, mais je ne crois pas à l’idée d’une taupe. Il n’a dit cela que pour instiller le doute. En tout cas, de mon point de vue, tu n’es pas la faille.
- Euh… Merci, enfin je crois. Écoute, je suis consciente que j’ai eu tort de partir sans vous prévenir.
- Oui, c’était trop dangereux !
- Effectivement, mais ce n’est pas la raison. Non, ce qui m'inquiète, c’est que j’ai pu louper des choses importantes. A Kourchatov, on a tout enregistré. C’est comme ça que tu as trouvé des pistes.
- Tu devrais te faire confiance ! Et puis ton cerveau, lui, a tout enregistré.
- C’est différent.
- Pas tant que ça. Je peux peut-être t’aider.
- Comment ça ?
- Disons, c’est un peu compliqué. J’ai mis au point un protocole. Notre cerveau a des capacités étonnantes, tout spécialement en terme de mémoire. Il suffit juste de réactiver les bonnes zones, tu vois ?
- Attends ! De quoi tu parles ? Tu sembles à deux doigts de tourner mystique, là…
- Pas du tout, essaya-t-il de la rassurer. C’est de la science. Je dirais même quelque part du côté des neurosciences. Avec une touche d’auto-hypnose. Et de substances psychoactives.
- Je suis pas trop certaine là…
- Écoute, j’aime déjà pas trop en parler non plus. Tu veux que je t’aide à revivre tes souvenirs, oui ou non ?”

Lonie finit par se laisser convaincre. Elle n’était pas vraiment rassurée, et plus il s’expliquait, moins elle l’était. Mais l’enjeu était de taille, et à l’écouter, il pratiquait cette petite expérience assez régulièrement.

“- Je vais t’injecter 6 mg de Qualaphar. Tu vas subir ce qu’on appelle communément une expérience de privation sensorielle, peut-être associée à une impression de dilatation temporelle. C’est souvent très déroutant. Voire terrifiant. Mais comme les aveugles dont l’acuité des autres sens se décuple pour compenser, cela permet au cerveau de tourner à un régime accru. Et si tu gardes le contrôle, tu pourras remonter à tes souvenirs et les manipuler à ta guise. Les relire, changer de point de vue, zoomer, etc…
- Ça semble un peu… Je suis cartésienne. Ton truc, ça ressemble à l’Expérience Interdite. C’est pas dangereux au moins ?
- Tu préférerais que Farad soit là ?
- Qui ça ?
- C’est le médecin de l’Unité. Tu l’as rencontré avant de voir Sifakis.
- Oui, je me souviens : il m’avait bien plu.
- Je vois : il est beau gosse ?
- C’est pas pour ça. Pendant que vous vous inquiétiez de l’Unité ou des particules, lui il se sentait plus concerné par la santé d’un enfant qu’il ne connaissait pas.
- Lonie, tu es stressée. Là, tu essayes de faire diversion. On se lance ?”

Elle décida de le laisser faire. Il lui avait promis de veiller sur elle pendant toute la durée de l’expérience. Elle aurait préféré Dmitry, mais c’était toujours ça. Elle fit de son mieux pour écouter ses conseils, mais il y en avait trop. Il faut croire que lui aussi essayait de faire diversion. Enfin, il déclencha l’injection.

Cela ne lui faisait rien. Le produit devait être trop dilué. Elle tenta de l’expliquer à Chuck mais sa langue restait collée à son palais. Et ses bras… Ils semblaient sanglés au fauteuil. Elle essaya de se lever, mais c’était impossible. Tout devenait flou autour d’elle, la voix de Chuck semblait distordue, comme déphasée. Elle se concentra là-dessus. La voix n’était jamais qu’un signal sonore. Manifestement, celui-ci avait été inséré dans une boucle de rétroaction. Tout la portait à croire que la fonction de transfert comportait un système à retard. Sur une feuille à petits carreaux, elle fit un croquis rapide du montage.

Un instant ! Dans la Théière, elle n’avait ni crayon ni feuille de papier… Elle essaya de se focaliser sur son environnement. Une salle d’examen ? Elle passait une sorte de concours. Un souvenir, un peu brumeux, mais un souvenir quand même. C’était vraiment bizarre. Tout semblait en nuance de gris. Elle essaya de se lever de la chaise et elle se vit en train de répondre aux questions de l’exercice. Flippant. Ce qu’elle était jeune à l’époque. Et naïve aussi. Tiens, à son poignet gauche, il y avait un petit bracelet brésilien. C’est fou ça, elle l’avait oublié ce petit bracelet. Elle plongea vers la feuille. Il serait intéressant de voir si elle pourrait encore résoudre ces problèmes, ou surtout, si elle le ferait plus vite que la Lonie-enfant.

Zut ! Chuck l’avait prévenu qu’il était très facile de se laisser piéger par un souvenir. Difficile de dire combien de temps elle avait perdu ici, mais forcément trop. Bon, elle se décida à appliquer un autre conseil de Chuck : elle se concentra sur l’Arbre, cherchant à le visualiser et le faire venir à elle. Des arbres de toutes les tailles et de toutes les formes s’imposaient à elle, mais elle faisait son possible pour n’en retenir qu’un… Comme dans un livre, elle tournait les pages. Voilà : la gravure d’un pommier. Le texte indiquait que le pommier se retrouvait dans de nombreuses croyances. Dans le folklore, pouvait-on lire, le Pommier était connu pour procurer la sagesse et la connaissance. Parfois même, on lui accordait le pouvoir de conférer l’immortalité. De façon erronée, la tradition populaire le confondait avec l’arbre de la connaissance du bien et du mal, dans le jardin d’Eden. De façon plus général, continuait l’auteur, si de nombreux cultes étaient rendus aux arbres, c’est pour le symbolisme fort : l’arbre reliant le ciel à la terre, il harmonise le cosmos en unissant les plans souterrain, terrestre et céleste. On y associait souvent des notions comme la fécondité, protection et d’éveil spirituel. Enfin le déroulement du cycle annuel faisait écho à la succession de la vie et de la mort et plus globalement à la renaissance. Lonie-enfant trouvait le livre sympa mais trop “n’importe quoi”. L’expérience récente de Lonie-adulte lui apportait une vision plus nuancée. Comme dans la salle d’examen, elle fit son possible pour localiser son souvenir. La bibliothèque du lycée, conclut-elle, un peu émue. C’est qu’elle y avait passé pas mal de temps. Elle laissa le livre et Lonie-enfant pour aller se balader dans les rayonnages. Même sans couleurs, même brumeux comme les limbes, ce lieu lui apportait un réel plaisir. Elle aurait pu aisément y passer…

Bon sang, elle s’était encore fait prendre au piège. Elle le savait pourtant. Rageuse, elle tenta d’invoquer un autre souvenir : celui de l’assaillant. Au moment précis où elle lui enfonçait le poignard dans le crane. S’il fallait une ancre mémorielle, celle-là serait suffisamment puissante. La brume prit forme un instant, pour se déliter la seconde d’après. Lonie dût la forcer à se soumettre pour que, enfin, la scène se cristallise. Selon Chuck, il était possible de manipuler ses souvenirs. Lonie planta — quoi au juste — son esprit ? — dans la brume et la força à changer de direction. C’était plus qu’approximatif mais elle commençait à prendre le contrôle du flux temporel de son souvenir. Dmitry et l’assaillant avait réalisé une véritable danse, rapide et mortelle. Elle changea de position. Plusieurs fois, l’assaillant s’était retrouvé bien plus prêt d’elle que de Dmitry. Elle remarqua aussi autre chose. Elle revint en arrière puis en avant plusieurs fois. Quelque chose clochait chez ce type. Enfin, tout clochait chez ce type, bien sûr, mais un truc en particulier. Et elle était persuadée de pouvoir mettre le doigt dessus. C’était quelque chose de ténu. Comme une de ces devinettes qui paraissent simples quand on connaît la réponse. Elle regarda la scène encore une fois. C’était là, mais elle ne le voyait pas. Qui sait, elle pourrait revoir ce combat mille fois et passer à côté à chaque fois. C’était vraiment rageant. Elle ignorait de combien de temps elle disposait. De nouveau, elle repartit en arrière, mais cette fois elle reprit la place qu’elle avait au début du combat. La première impression qu’elle avait eu : l’assaillant l’avait fait penser à une EVA, un robot. Ses mouvements étaient terriblement vifs, mais… Chuck ! Il se déplaçait un peu comme Chuck. Cette légère anomalie, ce petit retard. C’était ça qu’elle avait vu. Par acquit de conscience, elle revisita l’intégralité de son souvenir. Mais la brume se soumettait de moins en moins. Le produit ne devait plus trop faire effet.

Lonie se laissa dériver. Elle se retrouva dans un endroit tout de métal et de plastique. Il avait un hublot. Par là, on voyait la Terre. Elle se sentit attirée par gravitation exercée par la planète et bientôt elle finit sa course à la surface, dans un parc. Un gamin jouait au ballon pendant qu’une petite fille apprenait à faire du vélo sous le regard attentifs de ses parents. Incroyable comme sa mère semblait jeune. Et son père ! Non, non, très mauvaise idée de se laisser dériver. Lonie fit son possible pour reprendre le contrôle, mais la brume en avait décidé autrement. La brume la caressait comme une fourrure soyeuse, mais Lonie se débattait et criait de tout ses poumons. Elle frappait avec ses poings, ses pieds, sa tête, son esprit. Elle n’arrivait plus à guider la brume, mais elle n’était pas obligée de la subir. Chuck allait remarquer quelque chose, et il allait la ramener. Elle ferma les yeux de son esprit et s’imagina dans la Théière. Quand elle les rouvrirait, elle serait de retour !

Elle ouvrit les yeux et l’assaillant était allongé à quelques mètres seulement. Elle était encore dans les limbes ? Non, les couleurs étaient revenues. Les sons aussi faisaient leur retour.

“- Chuck, coassa-t-elle. Chuck !
- Je suis là. Ça va ?
- Qu’est-ce qu’il fait là, lui ?
- Je fais les premières constatations d’après un scan que vient de m’envoyer Zoé.
- Tu peux…
- Oui, oui, et Chuck coupa l'holograme. Ça a marché ?
- C’était pas comme tu as dit, mais oui.
- Excellent !! C’est génial, j’aurais jamais cru que ça marcherait du premier coup !
- Comment ça ? Tu m’as dit que tu le faisais souvent.
- Moi, en effet. Mais jusqu’ici, ça n’avait marché pour personne d’autre. Bref, c’est génial !
- Mais tu avais l’air sûr de toi, tout à l’heure.
- Je sais oui. L’auto-hypnose. Il fallait que tu me fasses confiance pour que ça marche. Mais j’avais raison, non ?
- Hmm, j’aurais aimé le savoir. Avant.
- Alors tu as découvert quelque chose ?
- Oui, je crois. Mais j’ai aussi vu des choses qui ne peuvent pas être réelles. Je me suis vu à l’intérieur de Colony, le projet lunaire. Mais c’est impossible.
- Ça arrive. Le processus donne accès aux souvenirs, sans discernement. Il s’agit sans doute du souvenir d’un rêve.
- D’accord, ça a du sens, reconnut-elle. Au fait, tu avais tort. Le site de l’Arbre, ce n’était pas dangereux, ça n’a jamais été dangereux. Pas pour moi en tout cas. C’est comme à Kourchatov, l’assaillant aurait pu s’en prendre à moi, mais il ne l’a pas fait. Sifakis… Je ne sais pas, mais il faut que je lui parle.
- Sifakis ? La requête de Lonie l’avait surpris. Là, comme ça, c’est pas possible. Tu devrais en parler avec Amanda. Quoi d’autre ?
- De toute façon, il voulait me montrer l’Arbre et c’est fait. Donc il faut que je lui parle. Pour lui soutirer des informations, tu te souviens.
- Je comprends. Tu as vu autre chose ?
- Oui, possible. On aurait dit que l’assaillant… il se déplaçait un peu comme toi. Toi, c’est ton exo-squelette qui fait ça. N’est-ce pas ?
- En effet. C’est le temps de processing des actions motrices. Il y a 300 milli-secondes de retard. Mais les assaillants n’ont pas d’exo-squelette, ni d’amélioration de ce genre. Je le sais, j’ai autopsié le premier. Et pour le second, ça ne va pas tarder.
- Je sais pas, mais je crois que ça vaut le coup de creuser. Il faut que je demande à Amanda pour voir Sifakis ?
- Va en salle de transmission, tu seras plus… euh… tranquille.”

Chuck lui cachait quelque chose. Et mal. Voilà qui était inhabituel. Elle n’essaya même pas de lui tirer les vers du nez. Les réponses, c’est Amanda qui les détenait. En moins de dix minutes, elles étaient en visio-conférence. Son visage était neutre. Lonie ne s’attendait pas à ça. D’après Chuck, elle était ‘furax’. Elle marche sur des oeufs, comprit-elle. Lonie pouvait peut-être en tirer avantage.

“- Amanda, je ne m’excuserais pas de vous avoir court-circuité : de toute évidence, il y a des taupes dans votre service. Je voulais me rendre sur place avant que vos équipes ne contaminent tout.
- Pardon ? C’est vous qui vous défiez de nous ?
- Ça ne devrait pas vous étonner autant. À jongler avec des secrets, il y en a forcément qui vous retombent sur le coin de la figure.
- Pour l’instant, c’est vous qui jouez avec le feu. Qu’avez-vous trouvé là-bas ?
- Ni bombe, ni ogive, contrairement à ce que vous semblez croire. J’ai fait mon rapport à l’agent Hägger. Il vous dira tout ça.
- Très bien. Mais j’aimerais vous debriefer personnellement, en présence de Pröll. Vous suivez ?
- J’imagine. Toutefois, la priorité serait plutôt de me confronter à Sifakis.
- Non, nous avons une autre mission pour vous.
- Quoi ? Sérieusement, vous vous moquez de moi. Je dois parler à Sifakis.
- Ça ne sera pas possible.
- C’est lui qui m’a envoyé sur cette piste. Quelle raison allez-vous avancer pour me refuser ça ?
- Il est décédé.”

Lonie resta sans voix. “Je ne pense pas qu’on se reverra” avait-il dit. D’une façon ou d’une autre, il savait ce qui allait lui arriver. La jeune fille ne pouvait pas en dire autant.

Conflit

“- Qu’est-ce qui s’est passé ? C’était quand ?
- Il y a cinq jours. Le lendemain de votre rencontre. Vers 7h30. Attaque d’apoplexie.
- Vous vous foutez de qui, là ? Il était en meilleur santé que moi !
- Mademoiselle Broch, j’ai des comptes à rendre à des gens bien plus importants que vous. Alors le fait que vous me croyiez ou pas ne me fait ni chaud ni froid. Sachez juste que j’ai diligenté une enquête. J’ai mis Pratney dessus. Ça vous va ?
- Pas du tout ! Vous avez attendu quoi pour me prévenir ?
- Et vous ? Estimez-vous heureuse que je ne vous livre pas aux Soudanais ! J’ai d’autres choses à faire que babysitter une Eva Peron à la petite semaine.”

Amanda avait coupé la communication. Lonie sentait une colère sans nom. Pour Amanda en particulier. Mais aussi pour Chuck qui s’était tu. Tous dans le même panier ! Monsieur Pratney — James — lui, au moins, avait fait l’effort de l’éviter. Piètre consolation. Quand elle ouvrit la porte, c’est justement sur lui qu’elle tomba.

“- Venez, Hélonia. Il faut qu’on parle.”