Quand Lonie s’installait au fond du siège, un élément de sa structure devait toucher la carlingue et aussitôt les trépidations des deux puissants rotors venaient s’engouffrer dans tous ses os, sa colonne vibrait, ses dents claquaient, jusqu’à ses organes internes qu’elle sentait comme en lévitation. La sensation passait rapidement de désagréable à pénible pour devenir carrément douloureuse. Depuis leur départ, elle cherchait à trouver la position exacte, l’équilibre parfait : le point qui laisserait passer les vibrations sans aller tout à fait jusqu’à la douleur. Elle ne comprenait pas comment ils avaient pu la convaincre de monter dans un hélicoptère. Depuis elle endormait la claustrophobe enfouie en elle à coups de trépidations. Ça, pour sûr, ça ferait bien marrer son frère. S’il l’apprenait un jour.

La masse colossale de James Pratney s’imposa à elle. Il lui tendait un copieux sandwich. A cet instant, son estomac n’était pas des plus vaillants, mais elle accepta néanmoins l’offre de l’espion. Depuis la réunion dans la Théière, elle n’avait rien mangé.

“- A votre horloge interne, il est 15h passé. Mangez, Hélonia, ça vous aidera. Vous allez bien ?
- Si on exclut que je suis retenue dans le vide à quelques centaines de mètres du sol dans un aérodyne à voilure tournante de conception russe ?
- Oui. Avez-vous confiance en moi ?
- Je… oui, bien sûr.
- Alors, sachez que moi, j’ai confiance en cet appareil et son pilote.
- C’est déjà ça, j’imagine. Pourquoi je n’aurais pas pu rester à la Théière avec Chuck ? Lui, il m’a dit que son cerveau était trop précieux pour l’équipe et que pour des raisons de sécurité, il était emprisonné dans l’avion. Et ce, depuis plusieurs années.
- Et vous l’avez cru ? demanda l’agent en esquissant un sourire.
- Hmmm, non. Mais il n’a rien voulu dire d’autre.
- Alors il faudra sans doute vous en tenir à sa version.”

Lonie l’avait remarquée, tout le monde dans l’équipe couvrait Chuck. L’approche frontale ne marcherait pas.

“- On a parlé de nos cursus respectifs avec Chuck. Je lui demandais s’il changerait quelque chose, avec le recul. Il m’a dit que s’il avait eu le choix, il aurait été un Pratney. Je ne sais pas ce que ça veut dire mais je suis certaine que c’est sincère et flatteur. Et je sais aussi qu’il ne le vous dira jamais à vous.
- Il est étonnant, parfois, ce gamin, confirma Pratney, pensif. Hélonia, ce n’est pas à moi de vous le dire, mais essayez de garder vos distances ! Vous l’avez déjà vu sans ses gants ou ses pulls ? L’avez-vous déjà vu debout ?”

Lonie réfléchit à la question. Elle repensa à leurs différentes rencontres mais aussi aux visio-conférences. Non. Jamais. Elle allait le lui dire quand elle avisa Zoé qui remontait l’allée centrale.

“Parlez-moi plutôt de ce Stepanov, demanda Pratney, sans doute pour changer de sujet.
- Oh, allez ! Vous avez tout entendu via votre oreillette… Vous n’avez pas besoin de me faire la conversation, vous savez.
- Hélonia, parlez-moi plutôt de ce Stepanov. Je veux voir par vos yeux.
- Bon… C’est son fils qui nous a reçu : Stepanov Dimitry.
- Dmitry Yurevich Stepanov. Si vous voulez comprendre ses gens, essayez de suivre leurs voies.
- Oui, oui, d’accord. Dmitry fils de Youri Stepanov. Il était accompagné d’une femme un peu plus âgé que lui, une métis d’environ 30 ans. Je sais que vous avez un profond respect pour les Russes, mais je crois qu’ils sont assez… racistes, non ? Les noirs et les métis ne sont pas courant là-bas, n’est-ce pas ?
- C’est plus complexe que ça, mais effectivement… Sa garde du corps.
- Vouii, admit Lonie. Il nous a dit que chez les cadres supérieurs, c’étaient très courants. J’ai un peu de mal à croire qu’elle n’est à ses côtés que pour l’efficacité de ses muscles. Bref… Il nous a amené à son père : Youri. Dans son lit, branché de partout, et surtout dans le coma.
- Dommage, c’était notre seul lien.
- Yep ! D’après Dimitry, pardon Dmitry, il est comme ça depuis Dimanche dernier. Ils ont pour habitude manger ensemble et de jouer aux échecs chaque Dimanche. Il a trouvé son père inconscient dans son lit. C’est lui qui a fait installer tout le monitoring dans la chambre de son père.
- C’est un peu bizarre comme démarche, non ?
- Si, confirma Lonie. Il n’en a pas fait mystère. Son père est à la tête de plusieurs grosses entreprises. Il ne voulait pas que cette… information s’ébruite.
- Ça peut faire sens. Est-ce qu’il est au courant des activités annexes de son père ? Et ce qui concerne le convoi de Kourtchatov ?
- Dmitry est lui même à la tête d’une entreprise. Informatique dans son cas. Et il lui arrive de travailler avec son père. Il y a dix jours, il lui a revendu des serveurs lames. Mais rien d’autre.
- Des serveurs lames ?
- Oui… C’est assez en courant en informatique.
- Mais encore ?
- Il s’agit d’ordinateurs assez puissants mais construits de façon à être le plus compact possible. Ils s’insèrent ensuite dans des châssis. De cette façon, on fait aisément tenir 64 serveurs sur un mètre carré.
- Et en pratique, ça sert à quoi ?
- Eh bien… à gagner de la place ? Et sinon ça sert à la même chose que n’importe quel ordinateur !”

Pratney lui coula un regard qu’elle aurait cru destiné à Chuck.

“- Mangez votre sandwich. Et réfléchissez à un de vos problèmes de physique. Ça vous évitera de trop penser à l’hélico.”

A défaut, elle suivit le conseil. Ça valait toujours mieux que les trépidations. Quand Zoé la secoua, elle était presque en stase. L’appareil était posé, l’habitacle était vide. L’air savamment irradié de l’extérieur l’encourageait à sortir.

“- Amanda nous attend. Au trot ! Et remets ton oreillette.”

Décidément, elle avait du mal avec Zoé et son côté bon soldat. Faire équipe avec des espions n’avait pas, après tout, que des avantages. Elle fit néanmoins son possible pour suivre Mata-Hari. Elle sauta une marche et posa le pied sur un sol gris et poudreux. Au l’Ouest, le soleil était couché mais on devinait encore sa présence récente. Les puissants projecteurs de l’hélicoptère illuminait les lieux de couleurs sans nuances.

“- Bienvenue à Курча́тов, clama Pratney en prenant l’accent local.
- Monsieur Hägger ? Vous êtes en ligne ? Ici, on est tous sur le pont.
- J’ai un UAV à la traîne mais sinon j’ai bien mes yeux sur vous. Et quand Tweedle Dee aura mis son collier, j’aurais encore un oeil de plus.
- C’est un torque, jeune blanc-bec, pas un collier.
- Messieurs, on n’a pas le temps pour les enfantillages. On est en retard sur le planning. Et si vous l’avez oublié, la zone est contaminée. Suis-je claire ? Situation, Monsieur Hägger.
- Comme les images satellites le laissaient penser, la zone est déserte. Mais il y a quelques traces d’activités récentes. Elles convergent toutes vers le cinéma. Soixante-dix mètres de votre position, Nord-Nord-Est. En comparant avec des données plus anciennes, il semble qu’une parabole a été installée. Si quelqu’un peut y aller faire un tour et me récupérer le boîtier de commande…
- C’est noté, Monsieur Hägger. C’est sur la liste de courses.
- J’ai aussi remarqué des traces à l’extérieur du mur Ouest du cinéma. Je suppose que c’est là qu’ils avaient installés leurs générateurs. Juste pour info.
- Si on a le temps, on ira voir. Bon. Allons inspecter ce cinéma. On reste groupés. Go !”

Comme un seul homme, Amanda, Zoé et Monsieur Pratney convergèrent vers le bâtiment. Lonie avait du mal à maintenir son esprit au repos. Elle craignait de voir apparaître des fantômes radioactifs ou des ours mutants. Ou pire : les anciens habitants — transformés, bien sûr. Pourtant, le peu qu’elle arrivait à discerner semblait normal. Morne, désert et triste à pleurer. Mais normal. Elle emboîta le pas des agents.

“- Le pilote reste dans l’hélico ? voulut savoir la jeune femme.
- Oui, au cas où il faudrait repartir vite, précisa Pratney.
- Ah, ok… Tu nous vois bien, Chuck ? demanda Lonie, trouvant l’idée rassurante.
- Six sur six. Et en couleurs qui plus est ! Les UAV de l’ami Ikeda sont équipés de caméra de 10 mega-ISO… D’ailleurs, Amanda, permettez-moi de vous dire que vous êtes très élégante ce soir.
- Permettez-moi de vous rappeler que, à part vous, nous sommes tous en territoire hostile ! Merci de réduire les échanges radio au strict nécessaire.”

Cinéma

A l’entrée du cinéma, Zoé et Pratney avaient sorti torches et armes de service. Etait-ce donc ici qu’ils allaient traverser le miroir ? Malgré les réticences de Pratney, qui préférait inspecter les lieux avec Zoé, tout le monde entra ensemble dans l’austère bâtiment. Aussitôt, l’odeur titilla les narines de Lonie. C’était indubitablement chimique.

“- Vous sentez ça ?
- Du solvant ? proposa Zoé.
- Oui, je pense aussi.”

Lonie posa une main sur un mur. Il était légèrement adhérent.

“- C’est de la peinture. Ça a été repeint récemment.
- Monsieur Hägger ? Vous pouvez voir ce qu’il y a en dessous ?
- Si Tweedle Dee prend un peu champ et reste immobile, ça doit pouvoir se faire !
- Allez-y James, faites ce qu’il dit. Pendant ce temps, Zoé, prélevez un échantillon de peinture, on ne sait jamais.”

Lonie en profita pour observer le torque que Pratney avait passé autour du cou. Il semblait peser un certain poids. Probablement équipé d’un tas de capteurs optiques.

“- Il y a quelque chose en dessous. C’est flou. Des formes. Un dessin peut-être. J’envoie sur vos tablettes ?
- Non… Allez, on repart. Plan des lieux ?
- Un peu sommaire. Il y a un hall, vous devez arriver dessus, il y a trois salles de projection, une grande au milieu flanquées de deux plus petites. A votre droite, il y aura des toilettes et à gauche un escalier qui doit mener à la cabine de projection puis au toit. Vous oubliez pas mon boîtier de commande ?
- On monte. Go !”

Monsieur Pratney ouvrait la marche, balayant de sa torche l’obscurité du hall. L’endroit dégageait un sentiment d’abandon, et par endroit des dalles du faux-plafond étaient absente. D’un autre côté, le lieu avait été repeint et parfaitement nettoyé. Mais surtout… il manquait quelque chose !

“- Il n’y a pas de caisses, nota Lonie.
- Ce qu’on appelle accès gratuit à la culture. C’est typiquement Russe.”

Il indiqua l’escalier en colimaçon. Le groupe commença l’ascension dans les cris plaintifs des grincements du métal. Lonie avait la chair de poule, et la température en baisse n’expliquait pas tout. Pour se donner du courage, elle caressa la petite forme bombée de l’extraterrestre sur son sac. L’escalier montait toujours, mais Pratney poussa la porte de la cabine de projection. Lonie et Amanda s’engagèrent à sa suite pendant que Zoé couvrait leur retraite.

“- Mais… il n’y a pas de projecteurs, non plus. C’est typiquement Russe, ça, peut-être ? railla la jeune femme, déçue.
- On voit encore l’ancrage au sol. Ils ont été retirés.
- Monsieur Pratney, faites-nous profiter de votre torche. Essayons de voir ce que contiennent ses salles de cinémas.”

Le faisceau de la torche balaya les trois espaces mais sans réussir à en tirer une vue d’ensemble.

“- Le torque, intervint Chuck. Je peux améliorer l’image et la renvoyer sur votre téléphone, Amanda.
- Allez-y.”

Installée juste à ses côtés, Lonie profita des images du torque. La salle un avait été entièrement vidée de tout son équipement, il n’y avait plus un seul fauteuil. La plus grande salle semblait intacte. Comme le hall, elle avait été repeinte. Enfin la salle trois avait servi de dépotoir : les fauteuils de la salle un avaient été jetés ici.

“- Ok. On en a assez vu. Monsieur Pratney, vous vous sentez d’aller chercher le boîtier de commande sur le toit ?
- J’y vais.”

Les laissant sous la protection de Zoé, le grand gaillard monta jusqu’au bout de l’escalier. Par une trappe, il accéda au toit. Au début, Lonie entendit ses pas. Mais bien vite, ce fut le silence. Il n’y avait plus que le bruit de son coeur et la respiration des autres femmes. Elle sentit alors comme un mauvais pressentiment s’insinuer en elle : c’était trop long.

“- Il en met beaucoup de temps…
- Monsieur Pratney ? Vous en êtes où ?”

Quand la trappe claqua, Lonie faillit crier. Mais elle fut rassurée de voir que c’était bien Pratney qui redescendait.

“- Le boîtier de commande n’était pas là, alors il a fallu que je cherche aux alentours. Mais quelqu’un l’a récupéré.
- C’est pas grave. Allez, on reste concentrés. On va voir les salles un et deux de plus près. Zoé avec moi, à la grande salle. Go.”

Lonie nota la réticence de Pratney à séparer le groupe, mais il ne fit aucune objection. Tout le monde redescendit de concert jusqu’au hall. Là, Zoé et lui, prirent la tête de chacun des deux groupes. Lonie collait aux basques de son protecteur. Ensemble, ils pénétrèrent dans la salle obscure. L’absence des fauteuils changeait les repères. Le lieu devenait juste… un pièce escalier ? Elle attira l’attention de Pratney sur des marques aux murs. Ils s’en approchèrent en silence.

“- Des pitons. Des gros pitons, remarqua Pratney.
- Chuck a dit qu’ils avaient placé une génératrice à l’Ouest. C’est à dire juste de l’autre côté de ce mur. Ces pitons soutenaient les câbles qui fournissaient l’énergie.
- L’énergie pour faire quoi ?”

Lonie inspectait le sol à la recherche de… Voilà, elle lui indiqua les petites dépressions au sol.

“- Vous vous souvenez des serveurs lames qu’on met dans des châssis ? Ces armoire laissent exactement ce genre de marque au sol !
- Joli. Et vous avez cru que vous seriez inutile sur le terrain ? Essayons de voir combien il y en avait de vos armoires.”

Les châssis avaient été plaqués contre les murs, deux par rangée. Trente châssis en tout. Ce qui devait faire dans les deux mille serveurs lames. Ça commençait à faire une sacrée puissance de calcul. Elle était en train de l’estimer quand Amanda les appela à la rescousse.

“- Monsieur Pratney, vous pouvez nous faire un panoramique sur les murs ? Mademoiselle Broch, venez observer quelque chose, ici, sur l’estrade. Vous en pensez quoi ?”

Lonie observa une dépression dans le bois de l’estrade. De forme circulaire. Les bords étaient mal marqués mais le centre très net.

“- Je dirais qu’un objet très lourd, cylindrique, a été posé ici… On dirait des craquelures. Peut-être causées par une importante différence de température. Ou chimiques. Et là…
- Non, n’approchez pas ! Zoé a récolté la poussière au centre, mais son dosimètre est passé dans le rouge.
- Les échantillons sont sous plomb ?
- Oui, bien sûr. Monsieur Pratney, immortalisez ça aussi. Chuck aura peut-être une idée.
- Ils avaient monté un centre de calcul à côté. L’implication de Youri Stepanov fait de moins en moins de doute.
- Je le pense aussi, mais ce n’est pas l’endroit pour ça. Allez, tout le monde, on remballe. Go, go ! Pilote, préparez le décollage.”

Lonie ne se fit pas prier. Finalement le lieu en lui même n’avait rien de terrifiant, mais elle avait l’impression de ressentir les radiations commencer à entamer son capital génétique. La sensation devait être partagée car c’est l’équipe toute entière qui marchait d’un pas plus rapide.

“- Vous croyez qu’on va…”

Sans crier gare, elle se retrouva au sol. Merde, c’était quoi ça ? Une des foutues dalles du plafond, comprit-elle. La vache, elle avait mal aux genoux et à un poignet. Elle sentit quelqu’un se relever à côté d’elle - Zoé forcément.

“- Tout le monde va bien ? demanda Pratney. Hey ! Halte-là ! Shit…”

Lonie tourna péniblement la tête sur le côté. Zoé était toujours au sol, mais bon sang, elle avait l’air mal en point. Elle reporta son attention sur Pratney. Sa torche éclairait un truc… Elle le voyait de dos, mais oui, un type. Mais c’était qui ça ?

“- Halte-là ou je tire !”

Lonie devina plus qu’elle ne vit l’arme improvisée dessiner un arc de cercle parfait. Par contre aucun détail du choc ne lui échappa : elle vit les muscles du bras de Pratney se tendre puis se déchirer dans une explosion de sang. L’arme de service s’envola comme un jouet d’enfant. Quelqu’un criait. Et l’arme improvisée reprit sa course, et la chemise blanche de l’agent se couvrit de sang. Derrière le cri déchirant — c’était elle qui criait — elle entendait la voix lointaine de Chuck. Mais que disait-il ? Mystère. Amanda : elle, elle saurait quoi faire. Elle chercha de son côté. Un bras en écharpe, Amanda tirait Zoé pour l’éloigner du combat. La scientifique en Léonie se dit que c’était un bon choix. Les 3F. Fight, Flee or Freeze. Se battre, se barrer ou bloquer. Amanda cherchait à fuir mais en protégeant Zoé. Pratney cherchait à se battre — mais comment ? — pour les protéger toutes. Et elle ? Elle bloquait, bien sûr. Foutue scientifique dans son armoire. Il y avait de nouvelles zébrures à déplorer sur le corps de l’agent et il perdait un max de sang. Lonie allait perdre la raison, c’était certain. Elle recula du mieux qu’elle put. Elle sentit la froidure d’une arme de poing. Pas elle ! Ce n’était pas elle de faire ça. Elle la prit et la pointa vers le forcené. Et la sécurité, bouffonne, tu ne l’as pas enlevée ? Elle espérait qu’il n’y en avait pas. Sinon… Elle essaya de s’aider de sa main gauche pour stabiliser la visée mais sa main gauche ne répondait pas totalement. Elle appuya sur la détente de toutes ses forces puis relâcha. Le coup partit, et l’arme se jeta violemment en arrière, déclenchant un autre tir.

Elle avisa le résultat. Un des tirs avait atteint son but. Oui ! Le type saignait. L’omoplate droite diagnostiqua la partie analytique de son esprit. Le type se retourna. Dans la pénombre il avait l’air l’immense. Elle tira encore, essayant de viser le coeur cette fois. Elle plaça une balle dans le sternum, une autre dans le mur. Il l’avait vu, mais préféra se diriger vers Amanda et Zoé. Derrière lui, Pratney était à terre dans une drôle de position. Non, cette fois, elle ne se laisserait pas faire. Elle tira encore deux fois. En plein buffet, les deux. Mais il avançait toujours. Oh mon Dieu ! La tête, bien sûr il fallait viser la tête. Papa, celles-là sont pour toi, pensa-t-elle. Elle appuya encore sur la détente. Clic clic. Vide.

Et pourtant la boite crânienne explosa. Le type s’immobilisa, et comme l’un de ces immenses sapins sibériens, il finit par s’abattre sur le sol. Là-bas, loin derrière l’agent à terre, une puissante silhouette se tenait, en position de tir. Si elle n’avait pas été sur le point de s’évanouir, Lonie aurait juré qu’il s’agissait de Monsieur Pratney, frais, dispo et au mieux de sa forme.