“En attendant que la dernière équipe soit là, soyez gentille, Hélonia, expliquez-nous comment vous avez trouvé la source des particules.”
Lonie avait l’impression d’être passée à travers une déchirure du continuum espace-temps pour se retrouver dans une version alternative de son univers. La Théière y avait été remplacé par un van (fourni par l’Etat de Louisiane). Mais l’équipe était restée globalement inchangée. Les regards… Les regards étaient un peu différents. On y lisait la fatigue, le doute, et pour certains, la défiance. Les esprits, plus que les corps, étaient éprouvés. Mais pas elle ! Si elle mesurait le chemin parcouru, elle se sentait plus forte et plus sûre que jamais.
“- Bien sûr, Amanda. Chuck a fait un travail remarquable pour…
- Mais pas suffisant, coupa l’intéressé.
- Un travail tout à fait remarquable pour réduire la zone de recherche. Il l’a fait passé de 20.000 km² à 6.000 ! Il a amélioré la précision des calculs, mais surtout le modèle de projection des données sur un référentiel terrestre. Cette amélioration du positionnement a été crucial dans…
- Accélérez, Hélonia. L’hélico de l’équipe Alpha est en chemin.
- Avec plaisir, Amanda. Il fallait bien que je précise l’apport majeur de Chuck, j’ai l’impression que personne d’autre ne l’aurait fait. Bref : cela situait la source dans la zone du Lac Pontchartrain, probablement à la Nouvelle-Orléans. Pas suffisant au vu de la densité de population. Mais malgré tous mes efforts, je n’ai pas réussi à améliorer les calculs de Chuck. Il a fallu changer mon fusil d’épaule. En fait, nous disposions d’une information importante : le point de départ de la première émission de particules, le cinéma de Kourtchatov. Je me suis servi de l’écart entre mon résultat mathématique et la réalité observée pour créer un modèle de divergence systémique.
- Et en clair ? demanda Zoé.
- En clair, expliqua Chuck, c’est comme de se rendre compte que ton arme dévie légèrement à gauche au premier tir et de compenser en visant un peu plus à droite au second. Le souci de cette approche, c’est qu’on perd l’indice de confiance.
- Effectivement, reprit Lonie. Les non-scientifiques apprécient la règle des trois sigma. Ils aiment savoir que la cible se trouve dans une zone avec un indice de confiance de 99,7%. Mais ici, ça ne marchait pas. J’ai eu recours à une astuce : la première fois, nos dosimètres ont enregistré de la radioactivité. J’ai proposé de mettre en place une spirale logarithmique de recherche à partir du point de référence donné par mon modèle de divergence systémique.
- On tourne autour d’un point en s’écartant au fur et à mesure, comme quand on a perdu ses clés dans le sable, traduisit Chuck. Ici, en cherchant les traces de radioactivité.
- La première a été trouvée au St. Catherine Memorial Hospital, conclut Amanda. Ils y utilisent des radio-isotopes pour traiter certaines maladies. Mais la seconde, c’était dans un théâtre à l’abandon, à moins de deux rues d’ici. D’après des renseignements locaux, il pourrait servir de refuge à des SDF. Pour ce qu’on en sait nous, il est désert. Le van nous y mènera dès que les équipes tactiques commenceront leur intervention. Ce qui ne devrait pas tarder. Une fois la zone dégagée, on se déploie à l’intérieur pour y faire nos observations. Lennart restera dans le van pour nous piloter à distance. James et Zoé nous accompagneront, pendant que Dalton assurera notre protection au fusil de sniper. Des questions ?
- Je continue à penser que Dmitry devrait nous accompagner, il serait un atout majeur, intervint Lonie.
- On en a déjà parlé, c’est non. Il est toujours sous investigation.
- Tu parles… Sans lui, on aurait pas trouvé l’arbre, James aurait perdu son bras et moi, eh bien, il s’est jeté au devant du danger pour me sauver. Alors pour l’investigation, vous pouvez repasser ! En plus, au cinéma, on sait que de nombreux ordinateurs ont été utilisés. Et Dmitry est le meilleur informaticien que je connaisse. J’en veux pour preuve que même Chuck n’a pas réussi à se dépêtrer de son pare-feu.
- La discussion est close, c’est non !
- J’ai compris. Et vous savez quoi ? Vous avez de la chance que je sois avant tout une scientifique. Si je vous ressemblais, je vous aurais forcé la main avant de vous divulguer mes résultats. À cet instant, je vous tenais par les couilles… Mais bon, si vous tenez à vous enferrer dans votre erreur, ça me va aussi.”
Un silence gêné régnait dans le van. Amanda était avant tout un animal politique, c’est à peine si son visage avait laissé transparaître une émotion. C’était aussi une meneuse d’hommes : elle se devait d’avoir le dernier mot.
“- J’assumerais mes erreurs, le cas échéant. Mais décidément, je préférais la jeune fille brillante, timide et un peu gauche que j’ai sortie de son amphi !
- Eh bien maintenant, vous avez la version moins naïve. Je me doute bien que ça vous arrange pas !”
Le ton montait et la joute n’allait pas tarder à s’envenimer quand le crachotis de la radio marqua le fin du round.
“- Ici leader Alpha, on amorce la descente vers l’objectif.
- Bien noté, répondit Zoé. Les équipes Bravo et Charlie sont en place. Assurez-vous que votre sniper rejoigne sa position. Vous avez le go pour lancer l’opération.
- Je vous rappelle que la présence d’un hostile est probable, avertit Amanda. Vous avez l’autorisation de tirer pour tuer.
- On est pas des cow-boys, madame, et on connaît notre métier. Pendant l’intervention, c’est moi qui dirige mes gars.
- Toute cette opération est sous mon commandement ! Vous avez déjà dû vérifier mon niveau d’accréditation, alors vous savez qu’il ne faut pas jouer avec moi. Maintenant, sécurisez donc ce théâtre !”
Dans le van, le grand écran commençait à relayer les caméras tactiques des unités Alpha, Bravo et Charlie. Il y avait quelque chose d’hypnotique à les voir entrer dans le bâtiment, armes en main. Quelque part entre la symphonie et l’improvisation.
“- Bravo. Escalier Ouest, RAS.
- Charlie. Dans le hall.
- Alpha. Cordite dans 3, 2, 1…
- Bravo. En mouvement, secteur Ouest.”
Les échanges, comme les mouvements, étaient maîtrisés. “On entend que les chefs d’équipes sur ce canal”, expliqua Dalton. Étrangement, la pression semblait plus forte à l’intérieur du van. Tout le monde était figé, à l’exception de Chuck qui pianotait sur sa tablette.
“- La fresque ! Il y a une fresque aussi, remarqua James.
- Cette fois, ils n’ont pas pris la peine la cacher. Ils deviennent négligeants.
- Non, Zoé : seulement plus confiants ! Lennart, vous pouvez lancer un comparatif ? Cette fresque me semble… différente.
- C’est déjà en cours, et ça va s’affiner quand on aura plus d’images.”
Mais au delà de la fresque, c’est surtout l’apparition d’un Assaillant que tout le monde craignait. Et si jusque-là, lors des précédentes confrontations, il n’y avait eu que des blessés, cela tenait plus à la chance, qu’à la préparation. Cette fois, Amanda n’avait voulu prendre aucun risque. Lonie ne connaissait pas les détails, mais l’Unité avait une certaine latitude pour réquisitionner du matériel et des hommes. Trois équipes, dix-huit hommes en tout : trois snipers, et quinze types surentraînés déboulant par les différentes entrées.
“- Charlie. Grand hall, RAS. On bouge vers le Nord.
- Alpha. Second balcon, on entre.
- Bravo. On progresse vers les coulisses.
- CONTACT !!” beugla quelqu’un, sans s’identifier.
En un instant la symphonie s’était transformé en cacophonie. Sur l’écran, plusieurs des caméras semblaient prises de frénésie : elles balayaient l’espace à la recherche d’une cible. Tout le monde retenait son souffle. “Voilà, c’est maintenant, pensa Lonie, c’est l’instant où des gens vont être blessés ou même mourir !” Avant même d’avoir vraiment réfléchi, sa main gauche s’était glissé jusqu’au holster qui pendait sur la chaise de Zoé, et elle avait récupéré l’arme. “Faut que je sorte, glissa-t-elle, je veux pas voir ça !” C’est à peine s’ils prêtèrent attention à elle. Dans son oreillette, elle entendait la scène se dérouler.
“- Merde, il a chopé Argento. Alpha, on se déploie. Go !
- Charlie. Pas de visuel.”
Les ondes se remplirent de crépitements secs et répétés. Sur l’écran du van, des flashes avaient envahi plusieurs caméras.
“- L’hostile est à terre. Ici leader Alpha, je répète, l’hostile est à terre. Mais il a balancé Argento par le balcon. Quelqu’un le voit ?
- Bravo. Négatif.
- Charlie. Moi non plus, mais on est les plus proches. Autorisation de se dérouter ?
- Accordée, Charlie. J’ai… j’ai un tracé plat sur son moniteur !”
Oh, bon sang ! C’est ce qu’elle craignait… Elle aurait dû y être : les Assaillants ne lui voulaient pas de mal, c’était à elle d’y aller. Et même s’il était trop tard maintenant, elle avançait vers le théâtre sans le moindre temps d’arrêt.
“- Euh, ici Chuck. J’ai l’impression que c’est de la haute impédance. Euh, je pense que son moniteur s’est détaché dans la chute.
- Alpha. Bien noté. Charlie, ne tardez pas quand même…
- Sniper Bravo. J’ai une civile qui va entrer sur zone !”
Dans le van, tous regardèrent la chaise vide de Lonie. Amanda réagit aussitôt.
“- Tirez pour immobiliser. Pas de tir létal.
- NON ! cria Chuck, en s’attirant un regard furieux de la part d’Amanda. Ne tirez pas : c’est une des nôtres !
- Sniper Bravo. Plus de visuel sur l’objectif, elle est entrée dans l’édifice.
- Bon sang !? Amanda fit un signe à Zoé, qui quitta le véhicule dans la même seconde. Hélonia, si vous m’entendez, j’ai lâché mon pitbull, vous feriez mieux de ramener vos fesses. Équipes au sol, j’ai deux agents sur le site.”
Lonie n’avait rien manqué de la conversation, mais elle n’avait pas l’intention de répondre, ni d’ailleurs d’obtempérer. L’intérieur du théâtre était sombre, et elle avait besoin de toute sa concentration pour se repérer dans l’espace. Les unités d’intervention étaient équipées d’intensificateurs de lumière, mais Lonie devait se déplacer presque à l’aveuglette. Et Zoé ne tarderait pas à être sur ses talons.
Comme tous les enfants, Lonie avait été effrayée à l’idée de descendre à la cave. Peu de lumière, des araignées, l’odeur vaguement humide, et qui sait, peut-être un monstre ou deux. Chez les autres, la peur s’était estompée à l’adolescence, pour disparaître presque totalement à l’âge adulte. Mais pas chez Lonie. Et elle avait beau en connaître les raisons, les tenants et aboutissants, cela n’y changeait rien : elle sentait toujours en elle les racines de la peur. Dans d’autres conditions, elle se serait mise en boule dans un coin. Mais la détermination qui s’était emparée d’elle dans le van était toujours présente, et elle s’employait à l’alimenter, comme on nourrit un feu, fragile mais salvateur.
Loin devant, elle devinait le bruit étouffé des bottes. Un son plein d’espoir. Elle allait bientôt faire jonction avec une unité d’intervention. Et même s’ils avaient été mis au courant de sa présence, elle allait devoir se montrer prudente. Elle ne voulait pas essuyer un tir malencontreux. Elle s’apprêtait à ranger l’arme de Zoé.
Elle se figea, prise par une terreur sans nom. Quelque chose venait d’éteindre sa détermination. Elle se força à ne plus ni bouger ni respirer. Un bref instant, elle caressa l’espoir qu’il s’agisse de Zoé. Mais non. Cette fois, ce n’était pas les araignées, la pénombre ni l’odeur humide. Il y avait bel et bien un monstre. Elle ne le voyait pas encore, mais elle le sentait. Cela faisait comme… comme un creux dans l’obscurité. Elle ne trouvait pas d’autre image. Elle l’entendait derrière elle. Ça la contourna. C’était comme si la Gorgone s’était faufilée à ses côtés. Et que c’est elle qui s’était changée en statue. Le bruit de bottes… La chose se dirigeait vers l’unité d’intervention. Une autre forme la rejoignit. Des Assaillants, au moins deux… Et ils allaient prendre l’unité à revers.
Lonie se rendit compte qu’elle était en apnée. Elle se força à respirer. Elle était entrée dans ce théâtre pour… Pour quoi, au juste ? Pour s’assurer que personne ne serait blessé à sa place ! Et elle comptait bien faire tout ce qu’il fallait pour ça. Elle quitta les formes du regard pour se concentrer sur l’arme de Zoé. Elle repéra le cran de sûreté. Après l’avoir libéré, elle ramena la culasse vers elle. Chargée et parée, espéra-t-elle. Le temps qu’elle revienne sur les Assaillants, il n’en restait plus qu’un. Elle n’hésita pas une seconde. Même si elle le ratait, le bruit alerterait tout le monde. À sa grande surprise, c’est une rafale complète qui partit. Un automatique… La plupart des balles s’étaient envolées au-dessus de sa cible. Elle ajusta sa visée, et cala son bras. Une fois encore, le recul la surprit. Mais elle avait repéré les impacts sur le corps de son ennemi. La forme tomba à genoux, et elle lui vida le reste de son chargeur dans la tête. L’Assaillant s’écroula face contre terre.
Quelle idiote : elle n’avait plus de balles… Elle s’avança jusqu’à repérer le second. Devant, elle entendait le claquement des armes. Bizarre, elle n’entendait plus rien dans son oreillette. Coupée à la demande d’Amanda, à coup sûr. Elle discerna enfin l’ombre du deuxième Assaillant, prêt à sauter sur les humains. Mais comment l’arrêter ? En désespoir de cause, elle lui balança de toute ses forces le pistolet. Avec un temps de retard, le visage se tourna vers elle. Une fleur rouge s’épanouit au-dessus de son oeil gauche. Puis une partie de sa pommette tomba en morceaux. Lonie se retourna, Zoé tenait une arme fumante entre les mains. D’un geste impérieux, le pitbull lui faisait signe de venir derrière elle. Lonie ne pouvait s’empêcher de remarquer que Zoé avait réglé son compte à l’Assaillant en deux balles, là où il lui avait fallu un plein chargeur.
Ensemble, elles progressèrent prudemment en direction des coups de feu. Quand elles arrivèrent face à la scène, un calme précaire était revenu. Trois membres de l’unité Charlie surveillaient les extérieurs. Lonie identifia les corps de deux autres Assaillants. Manifestement, ils avaient planifié une embuscade. En fin de compte, son intervention n’avait peut-être pas été vaine. Les commandos s’étaient bien défendus, mais les choses auraient sans doute tourné différemment… L’un d’entre eux était assis et se tenait la tête, visiblement sonné. Le dernier membre auscultait le pauvre type qui s’était fait balancé du balcon. Lonie frissonna. Une intelligence de groupe ! Les Assaillants avaient sacrifiés l’un d’entre eux, juste pour attirer les humains dans un piège.
“- Comment va-t-il ? demanda-t-elle.
- Vivant mais… J’ai un pouls filant et irrégulier !
- Il faut le sortir d’ici, intervint Zoé.
- Je ne veux pas prendre de risque. Avec la chute, sa colonne est peut-être touchée. On ne le bouge pas.”
La silhouette massive et rassurante de Pratney apparut, vite suivi par Amanda. Le regard de la Reine balaya la scène, sans même s’attarder sur Lonie.
“- Beau boulot, Messieurs… Certains d’entre vous ont besoin de soins. On prend le relais ici !
- Négatif, j’ai un homme qui ne peut pas bouger, grogna le leader de l’équipe Alpha. En ce qui me concerne, l’opération de sécurisation est toujours en cours. Veuillez quitter mon périmètre.
- Cela dépasse votre compétence, contra Amanda. Je reprends l’opération, c’est du domaine de la sécurité nationale.”
La salle de théâtre devenait le centre d’un autre combat. Les commandos n’avaient pas l’intention de laisser leur homme, et ils étaient encore sous le coup de l’adrénaline. Lonie n’oubliait pas qu’ils étaient tous équipés d’armes meurtrières. Il suffisait d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres.
“- Écoutez Capitaine, tenta Lonie.Madame Racksyde a déjà tenté de vous avertir du danger de cette opération, vous ne l’avez pas prise au sérieux. Comptez-vous faire la même erreur deux fois ?
- Mon médecin me dit qu’on ne peut pas déplacer Argento, alors on le déplace pas. Une équipe médicale est déjà en chemin…”
Pas moyen de négocier. La jeune femme comprenait parfaitement le point de vue du type. Mais elle connaissait aussi les enjeux : chaque seconde qui passait des preuves potentielles s’envolaient. La situation était bloquée et tout le monde était sous pression. Lonie cherchait une idée pour faire avancer les choses, mais elle n’était pas douée avec les gens. À son grand étonnement, elle vit Chuck entrer dans la salle de Théâtre. Il peinait à descendre les escaliers. Jamais elle ne l’avait vu ailleurs qu’en sécurité, à l’abri. Sous le regard peu engageant des commandos, il vint jusqu’au chevet du type au sol. Avec des gestes maladroits, il commença à ausculter le pauvre gars. La tension ne retombait toujours pas. Lonie observa la main gauche de Chuck qui tremblait. Non, en fait c’était plutôt comme si… sa main pianotait. Il y avait là un rythme. Piano ou clavecin ? se demanda-t-elle. Elle comprit que Chuck était terrifié. Ce n’était pas un homme de terrain, et tout ici lui était étranger. Elle imaginait à peine le poids du regard de ces hommes sur sa nuque. Elle devait intervenir.
“- Capitaine ? Il est doué votre médecin ?
- Oui, pour…
- Eh bien, ce jeune homme que vous regardez avec dédain a cinq doctorats. Alors si vous devez écouter quelqu’un, c’est lui !”
Elle s’était bien gardée de dire que dans le lot, il n’y avait aucun doctorat de médecine. Néanmoins, Chuck eut un regard reconnaissant à son égard, avant de lancer :
“- Il est en bradyarythmie… Votre homme souffre d’une hémorragie interne, et son poumon a été partiellement enfoncé par une côte. Dans quelques minutes, il se noiera dans son sang. Opération de toute urgence !
- Mais sa colonne… commença le médecin de l’unité.
- Je n’ai pas les outils suffisants… Donc oui, vous avez peut-être raison. Mais d’après vous, il choisirait quoi : prendre le risque de ne plus jouer au foot avec ses enfants, ou être certain d’en faire des orphelins ?
- Je ne partage votre diagnostic, il…
- Ok, le coupa le leader de l’équipe Alpha. Qu’est-ce qu’il faut faire ?
- Appeler un hélico d’intervention médical : il faut que l’opération commence pendant le transport. Au vu de la topologie, le mieux serait de le transporter sur le toit. Humm, faites aussi demander un hémorégulateur par drone.”
Un brancard de fortune fut monté et avec l’aide de James Pratney, ils entreprirent d’extraire l’infortuné Argento. Aussitôt les commandos partis, Zoé commença à examiner les corps des Assaillants. Chuck, lui, profitait de sa présence sur la zone pour inspecter la fresque. Leur professionnalisme avait quelque chose de glaçant. Elle aurait dû les assister, mais c’était au-dessus de ses forces. Elle s’installa dans un fauteuil décati. Un cinéma, un théâtre et des particules mystérieuses. Tout cela devait bien avoir une signification. Et la fresque ? L’ensemble dénotait un certain sens du spectacle. En tout cas, autre chose qu'une expérience scientifique.
“- Ceux là semblent différents, lâcha Zoé.
- Précisez.
- Regardez : la décoloration de la peau est moins intense. Ils n’ont pas de cheveux mais ils ont encore des cils. On dirait qu’ils sont plus frais que ceux de Kourtchatov et de l’Arbre.
- On arrive plus tôt aussi, nota Chuck.
- Oui, c’est ce que je me suis dit. Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin. Celui-ci a un tatouage de la Vierge sur le poignet gauche, et celui-là n’a que trois doigts à la main droite.
- On est sensé les connaître ? ne put s’empêcher d’intervenir Lonie.
- Vous, non. Mais moi j’ai fais mes devoirs. Vous vous souvenez que ce théâtre sert de refuge à des SDF ? Voici deux des précédents occupants : Edouard Ballard, et Sam Wilkins…”
Lonie ne douta pas que l’analyse montrerait qu’il en allait de même pour les autres Assaillants. Des marginaux qui avaient choisi le mauvais endroit pour s’abriter. Elle avait toujours su qu’il y avait un mystère derrière ces créatures. Et elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer milles hypothèses. Mais une part d’elle-même avait souhaité occulter cette possibilité : les Assaillants n’étaient à l’origine que des quidams, des pékins moyens… Des innocents.
“- Et la fresque ? demanda Amanda.
- À peine sèche. La réalisation est moins détaillée, plus… hâtive. Ma première impression, c’est qu’il s’agit d’un copieur, mais…
- Probablement un élève de Sifakis.
- Mais l’analyste heuristique montre qu’il s’agit du même peintre, qui aurait agi dans la précipitation.
- Alors, ceux qui ont tué Sifakis se sont trompés de cible, persifla Lonie. Et si vous comptiez aussi incriminer Dmitry, sachez que je ne l’ai pas quitté une seconde de toute la semaine.”
Un nouveau round commençait.